Le régime indemnitaire antérieur des PTP JS est mort. Il était injuste dans son principe, modulable de 80 à 120% par les chefferies de proximité. Il était déjà à la tête du client. Il ne protégeait pas des dérives exercées sur les métiers. Il était bloqué depuis des années, sans réelle revalorisation. Il était déjà soumis à la tentation de la carotte et du bâton. Une longue histoire de près de 40 ans depuis la création des corps de PTP JS a fait que ce régime a certes été encadré de critères objectifs. Mais il demeurait possible à moduler, voire à supprimer dans certains cas (modification fonctionnelle, arrêts maladie…). Aux ministères sociaux, comme au MENJ, depuis la généralisation du RIFSEEP, son application aux PTP JS revenait à l’ordre du jour.
Le deal de la DGRH avec les syndicats (24 novembre 2022-4 avril 2023)
Les ministres JS ont demandé au budget 2023 une enveloppe budgétaire pour remettre à niveau sur trois ans un RIFSEEP des PTP aligné sur celui des Attachés d’administration. La DGRH a alors utilisé une méthode peu éloignée du chantage pour contraindre les syndicats récalcitrants au travail :
« Nous avons obtenu une première enveloppe 2023 ! Soit, vous en bénéficiez via l’instauration du RIFSEEP, soit vous la refusez mais votre indemnité de sujétion ne sera pas réévaluée et les sommes mobilisées seront reversées sur les régimes RIFSEEP de corps existants en bénéficiant au MENJ ! »
Cela avait le mérite d’être clair. C’était très ouvertement une décision politique de l’Etat employeur donc des ministres. La DGRH a confirmé souhaiter discuter des conditions de gestion. Refuser de discuter (Solidaires a choisi cette posture, alors que la FSU a répété ne pas avoir de mandats pour négocier) revenait à laisser la DGRH travailler en solo avec le seul syndicat CFDT qui était favorable au RIFSEEP (non pas dans son principe mais dans sa perspective d’augmentation des salaires). L’objectif indiqué était de faire passer l’indemnitaire PS/CEPJ de 6 000 €/an en moyenne à environ 12 000 €. Au MENJ toute la filière administrative et technique est au RIFSEEP, l’encadrement aussi. Le RIFSEEP est le régime indemnitaire de droit commun dans la fonction publique d’Etat. Seuls les enseignants ne sont pas au RIFSEEP pour des raisons budgétaires : cela coûterait trop cher. Le régime indemnitaire des enseignants est en moyenne en dessous de 1 500 €/an.
Qu’a fait le SNPJS-CGT ?
Le SNPJS (rejoint par des ex EPA) a choisi de négocier pied à pied. Il a largement contribué avec le SNAPS et le SEP (UNSA) à produire de la réflexion. Très vite la pression syndicale (avec la CFDT) a limité à deux groupes au lieu de trois le RIFSEEP. En réduisant le nombre de groupes on limite la disparité salariale. Le SNPJS a osé aller jusqu’à limiter les écarts entre 1er groupe (SNU et dispositifs ayant pignon sur rue + encadrement intermédiaire) et 2e groupe (la piétaille des formateurs, des CAS/CEPJ ordinaires et aussi de la plupart des CTS (CTR et CTN).
Notre doctrine c’est l’amélioration du salariat. Notre mandat n’a pas changé : non aux primes ! Nous militons pour leur intégration dans les salaires en points d’indices. Les « primes », quelles qu’elles soient servent la logique de mise en concurrence des salariés entre eux, via l’individualisation des salaires et l’opacité des déroulements de carrière. Mais nous sommes dans un principe de réalité et nous travaillons nos dossiers. Les métiers de profs de Sport, CEPJ et CTPS ne vont pas disparaître sur une question indemnitaire. Ils vont disparaître si on ne se bat pas collectivement pour conserver leur cadre statutaire en oubliant leur dimension d’éducation tout au long de la vie.
Pour le SNPJS le RIFSEEP n’a que deux intérêts :
- Travailler les convergences indemnitaires dans la Fonction publique pour mieux préparer l’intégration des primes harmonisées dans les salaires (ce que les régimes indemnitaires éclatés ne favorisent pas) ;
- Augmenter la fiche de paie.
Nous sommes lucides sur les limites du combat.
Comprendre le RIFSEEP pour agir dessus
Le RIFSEEP est basé sur une indemnité principale de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), versée mensuellement. Pour déclencher l’IFSE il faut impérativement déterminer un groupe de fonctions clairement identifié, obligatoirement. La répartition des emplois (sur le territoire national et sa ventilation par régions et sites) est décidée au sein de chaque ministère. Elle est visée par la Fonction publique et le Budget.
Pour déterminer un groupe trois critères professionnels sont pris en compte :
- L’encadrement, la coordination ou la conception ;
- La technicité, l’expertise, l’expérience ou la qualification nécessaire à l’exercice des fonctions ;
- Les sujétions particulières et le degré d’exposition du poste.
Chaque poste soumis au RIFSEEP doit obligatoirement être classé dans un groupe.
CGT, UNSA, CFDT ont ajusté leur position pour encadrer une évolution de l’IFSE :
- en cas de mobilité au sein du même groupe ;
- en cas de changement de groupe ;
- en l’absence de changement de fonctions, au titre de l’expérience acquise, un réexamen intervient au plus tard tous les 3 ans à JS au lieu de 4 ans dans le principe RIFSEEP.
- en cas de changement de grade (hors classe, classe exceptionnelle)
Ces quatre clauses combinées participent d’une évolution de l’IFSE sur toute une carrière. Certes cela individualise la rémunération mais sur des critères qui suivent l’ancienneté de carrière JS.
Des minima de gestion établis au niveau national
L’accord a porté sur les deux BOP JS (214 CAS/CEPJ et 219 établissements/CTS). Un même montant a été défini limité en gestion à un différentiel de 400 €/an soit moins 35 €/mois pour chaque groupe dans un même corps. Cela assure dès 2023 des gains indemnitaires moyens de 40% pour les CEPJ en groupe 1 et 30% en groupe 2. Pour les PS c’est plutôt 30% en groupe 1 et 25% en groupe 2. Pour les CTPS c’est environ 25%. Cela s’est réalisé en consommant la totalité de l’enveloppe indemnitaire 2023 (il n’y aura pas de CIA de fin d’année en 2023).
Ci-dessous tableau national
Tout cela a été discuté avec précision avec un profond désaccord en JEP portant sur le fait que les chefs de projet SNU vont être placés en Groupe 1 alors que pour les syndicats rien ne le justifie vraiment. Cette mesure est pleinement idéologique. Elle va avoir pour conséquence de favoriser en rémunération des collègues ayant souvent peu d’ancienneté (la majorité relève des cohortes 2022 et 2023 ainsi que de celle à venir de 2024).
Les combines locales et les arrangements hiérarchiques
Nous ne vivons pas dans un monde parfait. Nos chefs de services ont des habitudes ancrées en matière de pratiques indemnitaires. En général ils apprécient la modulation : un CEPJ vaut moins qu’un Prof de sport et parmi eux un CTS vaut souvent plus qu’un CAS ou un formateur. Cet héritage est lié aux régimes antérieurs spécifiques aux PTP où les CTS touchaient environ 30% supplémentaires d’indemnités liées à leurs sujétions (déplacements fréquents, horaires atypiques et notoriété liée aux résultats sportifs pour certains d’entre eux). Tout laisse à penser que le principe national de répartition égalitaire voulu sur l’IFSE par les syndicats a été interprété localement en fonction des ETPT et probablement d’accords occultes au sein de l’administration.
Comme il n’y a pas de CSA dédiés Jeunesse et Sports c’est du pain béni. Les syndicats n’y voient pas grand-chose et parfois rien du tout malgré la consigne donnée d’avoir au moins une réunion de présentation
académique là où une présence syndicale est identifiée.
Prenons deux exemples de régions à partir des informations que nous avons réussi à obtenir
Moralité mieux vaut dans cette région être CTS (BOP 219) et la chefferie locale manifestement aime à distinguer le groupe 1 du groupe 2 en sport. Les CEPJ des services sont les derniers de la classe. En conclusion dans cette région les discriminations de l’ancien régime indemnitaire des PTP demeurent ; selon les dires des directions locales, les crédits délégués aux rectorats seraient pré-ventilés par BOP.
Moralité on note une plus grande décence dans l’Est mais une interprétation en CREPS qui augmente l’écart entre Groupe 1 et Groupe 2. C’est toutefois moins indécent que dans l’Ouest. La philosophie discutée au niveau national entre syndicats et DGRH est globalement « respectée ».
L’absence de CSA locaux est une véritable plaie pour avoir accès aux informations de GRH et conditions d’emploi. L’intersyndicale est très faible sur ce sujet pourtant crucial. Le SNPJS revendique régulièrement des CSA spéciaux JS académiques à côté de ceux des établissements.
On le voit sans détours le RIFSEEP – malgré son cadrage – est affecté des mêmes distorsions de versements que les indemnités de sujétion antérieures. La convergence entre CEPJ et profs de sport est bafouée dans l’Ouest. Tout porte à croire que la DS n’est pas pour rien dans cette décision. La faiblesse de la DJEPVA lui ouvre un boulevard. Les chantres du mérite affirment que l’égalité de traitement n’est pas l’esprit de la circulaire. C’est faux. Ce qu’on vérifie c’est que l’autonomie rectorale (donc des DRAJES et de leurs conférences de SDJES) profitent pleinement des pouvoirs de gratification ou sanction salariale, sans CSA en face.
Le SNPJS a voté avec la FSU et Solidaires JS contre le RIFSEEP au CSA du 4avril 2023. Non pas par doctrine pure mais par désaccord profond sur des éléments de classement en Groupe 1 et des règles du jeu laissant trop d’interprétations aux hiérarchies locales. Nous avions raison.
Nous sommes opposés à l’individualisation salariale. Les quatre clauses d’évolution du RIFSEEP ne sont pas déterminées par l’idéologie du mérite mais accompagnent les déroulements de carrière (depuis 2017 une carrière complète s’effectue sur deux grades) et l’évolution indemnitaire. Le combat syndical n’a rien d’un long fleuve tranquille. Il s’inscrit dans le temps. Notre vote en contre ne nous empêchera pas de demander pour 2024 la poursuite de la réévaluation indemnitaire pour rejoindre d’ici 2025 le RIFSEEP des Attachés (12 500 €/an en minima) et pour se rapprocher de celui des IGR et inspecteurs.
Un autre piège est tendu (mais ça n’empêche pas d’avancer avec lucidité…) : celui de l’évaluation
Le RIFSEEP repose sur un acte administratif qui justifie un engagement budgétaire qui déclenche des revalorisations liées à une rémunération.
Or, les décrets statutaires des CEPJ/PS/CTPS ne prévoient pas d’évaluation annuelle mais des entretiens de carrières. Ces « rendez-vous » concernent des mesures de gestions très ciblées aux 6e, 8e, 9e échelon de la classe normale. En conclusion il faudrait ajouter un article introduisant l’évaluation. Et là on déroge au statut enseignant. Elle ne peut être effectuée que par le chef de service. En services déconcentrés le vrai chef de service est désormais le RECTEUR qui déléguera à son DRAJES. Sera-ce pire que maintenant ? Il faut le mesurer. Le SNPJS refuse toute modification statutaire rapprochant le statut des PTP de celui de la filière administrative de droit commun.
L’autre chantier à ouvrir est celui des bonifications mécaniques du RIFSEEP. Le principe est d’avoir une augmentation minimale tous les 3 ans, ainsi qu’à chaque changement de grade (hors classe et classe exceptionnelle). De manière indicative un changement de grade de cadre A réévalue le RIFSEEP d’au moins 1 500 €/an et les augmentations triennales d’au moins 500 à 800 € /an.
Nous ne lâcherons rien sur ce combat des rémunérations en répétant deux éléments fondamentaux :
Dans la CGT nous agissons pour que les RIFSEEP soient harmonisés afin de les faire disparaître et les intégrer forfaitairement dans l’indemnitaire statutaire.
Nous agissons aussi pour conserver toute la dimension éducatrice de nos métiers et ne cèderons rien sur nos décrets de type « enseignant » avec leur prisme « article 10 ».
Montreuil, le 11 décembre 2023