Ma patronne (ministre), mes amours, mes emmeeerdeuh !

Nous avons accueilli une nouvelle patronne ministre des sports, Madame Amélie Oudéa-Castéra, il y a un mois. Un mois qui aura suffi pour nous inquiéter sur, ses ambitions, ses méthodes, ses valeurs et sur leur impact sur la qualité de notre environnement de travail et in fine sur le travail.

Un titre ronflant, mais pourquoi ?

En premier lieu, le titre ronflant de son périmètre politique nous avait mis la puce à l’oreille. Madame est patronne ministre des sports, des jeux olympiques et paralympiques. Sur le papier, ça nous fait un ministère de plein exercice, avec tout plein d’attributions. Bon évidemment on peut déplorer la scission de notre périmètre historique, jeunesse et sport. Mais de l’autre on peut se dire waouh, mais c’est génial, on est le ministère des JOP. Sur le papier ça fait classe.

Mais dans la réalité, on a un peu de mal à croire à cette histoire. Parce qu’au sein de notre administration, à peu près personne ne travaille sur les JOP. Parce que le côté sportif a été confié à l’ANS. Parce que le côté organisationnel revient au COJO. Parce que politiquement, il y a un DIGES et un DIJOP. Alors pour exister au milieu de tout ça, bon courage. L’autre crainte, c’est qu’au regard de la trajectoire des politiques nationales du sport (budget et effectif divisé par deux depuis 2008) et de l’idéologie politique d’Emmanuel Macron (le privé gère mieux que le public), on peut se demander ce qu’il va se passer après les JOP 2024. Tant d’insistances sur l’importance des JOP nous font craindre le pire pour le quotidien de nos autres missions pérennes. Enterrement de première classe ? Extinction du champ politique par nécrose ?

Nos inquiétudes sur ce point ont été ravivées par le discours de la patronne ministre aux personnels de la direction des sports. La moitié du discours a été consacré à l’importance de réussir les JOP. Dommage que personne ne l’a prévenu qu’il n’y a qu’une personne à la DS qui bosse sur le sujet.

L’humain ensuite (et encore)

Mais ce qui nous inquiète le plus, c’est sa façon de percevoir ses collaborateurs. Déjà, et d’où le gimmick que la plupart auront reconnu, Madame la ministre se qualifie elle-même de « patronne ». A sa décharge, vu la récurrence de l’usage de ce mot par différents ministres, il s’agit sûrement d’un « élément de langage » fourni par l’Elysée, ou par Matignon (ou par McKinsey) à tous les ministres : rappelez bien aux fonctionnaires que le patron, c’est vous !

Cette sémantique qui rappelle le management libéral anglo-saxon n’est pas neutre. Madame la Ministre estime être la patronne des services administratifs. Il faudra quand même lui rappeler que le ministre n’est pas pour autant le N+1 de tous les agents, qu’il existe une hiérarchie administrative qui a notamment pour vocation d’évaluer la charge de travail, le calendrier possible… Alors, ça fait plaisir d’entendre la ministre nous dire qu’elle veut connaitre nos prénoms et nos visages au bout de deux mois. Ça fait sympa, ça fait convivial, ça fait humain, ça fait start up, ça fait moderne. Mais il ne faudrait pas que derrière cette convivialité affichée se cache une fausse connivence qui conduise la ministre à nous passer des commandes directement. Nous, nous voulons l’inverse : nous avons tous déjà des N+1 et nous n’en voulons pas d’autre(s), quand bien même ce N+1 bis aurait le chic d’être ministre. Nous avons déjà connu ce mode de fonctionnement d’une administration soit disant libérée de ces archaïsmes. Cela n’a débouché que sur des surcharges insupportables de travail, des ordres et des contre ordres contradictoires et des dysfonctionnements généralisés. C’est pourquoi nous avions obtenu une charte de relation avec le cabinet. Car si l’administration est lourde et lente, ce n’est pas par plaisir. C’est par nécessité. Nécessité d’avoir une stabilité dans les services rendus comme l’a montré l’importance des services publics pendant la crise covid. Le temps du travail n’est pas le temps de la communication. Dit autrement : ça prend plus de temps de déployer une politique publique permettant à chaque enfant de pratiquer 30 minutes d’APS pendant l’école que de twitter #walk #30 #ispeakenglish #yeswallstreetenglish.

Tout ça pour dire que les commandes passées en direct, les entretiens en tête à tête avec les chargés de mission (qui ont déjà commencés) : nous n’en voulons pas. Ces méthodes fragilisent l’agent, désorganisent l’administration, organisent une concurrence malsaine reposant sur la satisfaction icardienne des égos des uns et des autres. Elles contribuent à abaisser la qualité du service public. Nous en profitons pour rappeler à la ministre que les effectifs de la DS fondent comme neige au soleil et que pour autant les missions sont de plus en plus nombreuses.

Nous demandons à notre direction et à son codir de veiller au bon fonctionnement de l’administration concernant l’organisation des commandes politiques et des validations, le respect du temps de travail et la juste adéquation entre les objectifs et les moyens humains et financiers alloués. Et puis puisqu’on parle humain, le départ après moins d’une semaine de son directeur de cabinet nous alerte. Les personnes qui travaillent pour elles auraient la même durée de vie que des kleenex ? En outre d’après des témoignages de salariés (et anciens salariés) de la fédération de tennis, ces pratiques y étaient déjà courantes lorsque la ministre en était la directrice générale. Les plus attentifs d’entre nous sur les réseaux sociaux ne seront pas surpris, puisqu’ils ont pu lire sur le compte pinterest de la nouvelle ministre cette citation qu’elle a empruntée au groupe amazon (reconnu à sa juste valeur pour son humanisme à l’égard de ses salariés) :

Les effets des valeurs et méthodes de la ministre sont déjà perceptibles au niveau de l’administration centrale. Nous avons l’intime conviction que sans changement de paradigme, ils se feront sentir bientôt à tous les niveaux : services déconcentrés, établissements et fédérations auprès desquelles sont placés les CTS.

Un chien dans un jeu de quilles

Et  cette nouvelle ministre avec ce que nous pouvons d’ores et déjà percevoir de méthodes, de pratiques et de valeurs, n’arrive malheureusement pas sur une terre fertile mais sur un terrain déjà épuisé par la surexploitation. Les agents au service des politiques nationales du sport et notamment ceux de la DS, ont déjà été soumis à rude épreuve depuis plusieurs années. Baisse des effectifs, réorganisations permanentes et inconséquentes, management autoritaire, interventionnisme illégitime du politique sur la vie professionnelle et administrative, surcharge… c’est notre quotidien depuis de nombreuses et années et en particulier depuis la décision de créer une ANS dans des conditions rocambolesques et sans réflexions relatives à la répartition et à l’organisation du travail.

Ces réorganisations liées d’abord à la création de l’ANS et ensuite au transfert au MENJS n’ont malheureusement, et malgré nos demandes répétées, jamais fait l’objet d’aucun bilan. Quid des formations proposées aux agents ayant pris de nouvelles fonctions, soit par suite de mouvement interne, soit par suite d’arrivée dans les locaux, soit par suite de nouvelles missions ? Quid de l’adéquation entre l’organisation macro du travail et les objectifs de la DS ? En outre, de nombreux chantiers réclamés de longue date par les agents, sont sans cesse ajournés, reportés, enterrés.

Il en va ainsi du projet de service, vieux serpent de mer de la DS, qui permettrait aux agents d’exprimer le sens qu’ils souhaitent donner à leur métier. Il en va ainsi de la notion de chefferie de projet, qui permettrait enfin, enfin, de favoriser une organisation du travail plus transversale, ainsi qu’une montée en responsabilité, en compétence et en reconnaissance des techniciens les plus pointus. Il en va ainsi du suivi des enquêtes relatives à la qualité de vie au travail : annualisation du baromètre du bien-être au travail, suites donner à l’enquête sur la surcharge de travail faisant état en juin 2021 de 2/3 d’agents en surcharge… Quid de la charte du télétravail de la DS, rédigée par les agents et jamais mis en œuvre, au motif que le SGMENJS n’est pas capable de donner une suite à l’accord cadre du télétravail dans la fonction publique de juillet 2021 ? Quid du fonctionnement du lab, qui ne doit pas se réduire à une salle aussi conviviale soit-elle, mais qui au contraire doit impulser des méthodes de travail innovantes, favorisant le travail collaboratif et l’émergence d’idées et de méthodes nouvelles ?

En conséquence de quoi nous demandons

– un entretien entre les membres de la CLC DS, la ministre et le directeur des sports ;
– le respect de la note relative aux relations de travail entre la DS et le cabinet de la ministre ;
– un bilan des deux dernières réorganisations ;
– la rédaction d’un projet de service avec l’appui des agents ;
– le déploiement du mode projet tel que rédigé par la MAT ;
– l’application de la charte du télétravail.

Pour les membres SNPJS-CGT et UNSA de la CLC sports

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Une réaction

  1. Bravo pour ce texte habilement écrit et qui photographie bien l’esbroufe qu’est la création de ce mini-ministère .

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