Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.
Antonio GRAMSCI
Nous sommes soulagés de ne pas avoir à nous adresser à un ministre ou un cabinet d’extrême droite. Pour autant nous demeurons inquiets de l’issue qui va être donnée à la mobilisation des forces de gauche qui ont entendu, elles, les aspirations à la justice sociale et environnementale.
Dans cette période de transition il nous apparaît incongru de maintenir un CSAMJS qui ne va pas gérer les affaires courantes. Il est destiné à rendre un avis sur un texte très politique, particulièrement idéologique, consistant à désigner un SGRA en charge de la sécurité auprès des recteurs. Cette fonction, dans la période, ouvre la porte à toutes sortes d’usages. Nous n’avons pas besoin d’adjoint à la sécurité, mais davantage d’enseignants, de personnels pour accompagner les élèves, dialoguer avec les parents, de personnels et de moyens à Jeunesse et Sports, de formation continue.
Il aurait été de bon sens de ne pas réunir ce CSAM JS en l’attente d’orientations politiques réellement arbitrées par l’Assemblée Nationale. La bonne vieille pratique du passage en force est une fois de plus rééditée. Elle disqualifie la vie politique et fait de la démocratie un mot creux.
Nous allons donc nous contenter de lire cette déclaration et quitter ce CSA.
Mais, parce que des monstres apparaissent, nous allons nous adresser à la ministre et à ses équipes actuelles pour dénoncer tout d’abord les coups de rabots sur la formation continue. Alors que nous avons examiné le PNF 2024-2025, nous venons d’apprendre que tout est gelé. Il n’y aura pas de formation ce quatrième trimestre 2024 et elles pourraient être aussi menacées au premier trimestre 2025. Vous faites le choix de la déqualification des agents, là encore, à un moment où ce gouvernement est en sursis.
Le PNF n’est pas le seul à subir des coupes. En Bretagne, suite à l’annonce de l’ANS, 50 % des subventions aux emplois sportifs sont dénotifiés. Cela annonce des plans de licenciement, au profit des JO se dit-il.
Adopté à coup de 49-3 le budget de l’Etat par ses ajustements et coupes sombres prend des allures d’insincérité.
Mais ce n’est pas tout, deuxième monstre : 18 professeurs de sport reçus au concours n’ont pas trouvé d’affectation. Pourquoi ? Parce que les chefs de services locaux préfèrent le recrutement au fil de l’eau. D’autres préfèrent des attachés à des PTP. Conduire des recrutements au fil de l’eau permet de mieux choisir ses collaborateurs, flatte mieux l’ego d’un chef de service, contourne à souhait le principe républicain du concours. Tout cela alors que nous avons travaillé en GT sur les futures lignes directrices de gestion « mobilités » où nous a été redit que la règle était le mouvement à date et le fil de l’eau l’exception.
Notre transfert à l’Education nationale est déplorable. Ce qui est à l’œuvre aujourd’hui relève d’un grand délitement, de l’opacité quasi-totale sur les gestions du quotidien avec un dialogue social de pure façade d’ailleurs quasi inexistant dans les académies. Ce n’est guère mieux et ce peut être pire dans les établissements où la sacrosainte autonomie héritée du modèle libéral de management fait galoper les risques psychosociaux comme à Montpellier ou Bordeaux.
Mais quand l’approche technocratique couvre des règlements de comptes on peut atteindre le pire cynisme.
A l’école nationale de voile, à Quiberon, un collègue et sa famille sont mis dehors. Il est viré. On n’a plus besoin de lui. Sa mission est soi-disant finie. Ils doivent rendre les clés, quitter le logement mis à leur disposition pour nécessité absolue de service. C’est une question d’heures, de semaine, de mois ? Tout dépendra de la décision directoriale, du pouce en l’air ou en bas.
Tout a commencé par un rapport de la cour des comptes qui a constaté des budgets non dépensés, des bâtiments non conformes et non entretenus laissés à l’abandon depuis plus d’une dizaine d’années, des bâtiments construits sans permis dans la bande des 300m littoral ou des systèmes de sécurité incendie non conformes, des règles d’achat public non respectées. L’établissement a donc dû engager des travaux lourds de mise aux normes et de rénovation.
Afin de piloter correctement ce département un audit et un plan de restructuration a conclu qu’il était primordial d’organiser une gestion unique et de la confier à un professionnel qualifié dans un grade d’ingénieur de catégorie A. il a été procédé au recrutement d’un ingénieur. Un ingénieur des Hôpitaux de Paris a postulé et a été retenu. Le détachement devait être ordinaire mais faute de support statutaire de correspondance de grade d’IGR aux ministères sociaux il s’est transformé en détachement sur contrat de cinq ans renouvelable. Ce n’est pas un détail car cette position ne lui a pas permis d’obtenir de droit une intégration de droit au bout de cinq ans.
Son épouse l’a suivi à l’ENVSN. Elle était aussi de l’APHP. Après le détachement, elle a obtenu une intégration dans le corps des adjoints administratifs. L’arrivée à l’ENVSN est un choix familial. L’un des enfants est handicapé. Le problème de santé avec complexités respiratoires nécessitait de quitter la région parisienne. L’arrivée de toute la famille à Quiberon laissait envisager une scolarisation adaptée. Ils ont réussi à construire cet accompagnement avec les équipes locales d’enseignants.
Le collègue s’est largement investi dans ses missions d’organisation et de suivi des travaux. Il a pris cette mission à cœur. Trop à cœur ? Pas assez ? Difficile à dire car les rapports d’entretiens professionnels ne figurent pas dans le dossier administratif personnel du collègue.
Tout semble avoir basculé un week-end alors qu’il n’était pas d’astreinte. Il est en week-end à plus d’une centaine de kilomètres de l’ENVSN. La pluie tombe dru sur la Bretagne. Le directeur constate une fuite importante dans un bâtiment en chantier. Le directeur appelle le collègue, lui demandant de venir d’urgence. Il n’est pas d’astreinte. Le directeur le somme de venir. Le collègue se résout à quitter sa famille pour aller constater les dégâts. C’est samedi soir, le collègue ne peut pas faire intervenir d’entreprise, ni celle qui est responsable de la malfaçon ni une autre. Le directeur lui met la pression pour qu’il trouve un moyen pour réparer. Le collègue se démène, trouve une solution en mobilisant son réseau local composé de partenariats divers avec l’ENVSN dont celui des militaires du fort de Penthièvre. Il finit par résoudre le problème de fuite. Il retrouve sa famille. Le lundi le directeur, en guise de remerciements l’invective et lui fait un procès en incompétence. Il ne témoigne d’aucune reconnaissance de son investissement malgré les intempéries, malgré le week-end gâché hors astreintes. Le collègue fait un malaise. Celui-ci sera reconnu en accident de service. S’enchainent une série de propos, attitudes valant défiance, puis mise à l’écart. Pour finalement aboutir à la signification de la fin de son détachement à compter de janvier 2024.
Après interventions syndicales, la fin du détachement a été reportée au 7 juillet dans l’intérêt des enfants et de leur scolarité. Une intervention conjointe CGT/CFDT a demandé l’intégration du collègue dans le corps des IGR qui existe au MENJ. Il y avait été détaché. Nous avons demandé la prolongation de son détachement dans l’intérêt de la famille. Refus. Nous avons demandé que son épouse puisse continuer à bénéficier du logement et qu’elle assure les astreintes. Refus. Le logement va être destiné à un responsable technique qui va reprendre une part des missions dont on dit pourtant qu’elles ne se justifient plus. Cette clause a été mise en avant pour justifier l’éviction.
En septembre cette famille sera éclatée. Le papa sera vraisemblablement à Paris mais l’APHP n’a pas aujourd’hui de poste disponible. Elle va le reprendre via un dispositif d’emploi particulier. Ce seront donc deux logements à financer et des déplacements. Le papa est en arrêt de travail. Sa santé est très lourdement altérée par ce qu’il a subi et continue de subir professionnellement. Il est membre du bureau national de notre syndicat, elle, est représentante du personnel au CSA de l’établissement. Ils ont eu à défendre des collègues contre les agissements pénalement répréhensibles d’autres personnels et à dénoncer les pratiques de l’équipe de direction visant à protéger les auteurs des faits. Le climat social de l’établissement est délétère, les représentants du personnel démissionnent de leurs mandats. C’est fait pour la CFDT.
La direction des sports a fait le choix de soutenir le directeur de l’établissement se réfugiant derrière l’autonomie de ceux-ci. Pas de faute professionnelle, pas de manquements professionnels, juste la décision d’un directeur qui annonce qu’il ne s’agit que d’un besoin temporaire qui prend fin. Mais il recrute déjà une autre personne. Pas d’examen humain, pas d’accompagnement administratif ou GRH. Rien. Quatre personnes, dont deux enfants, broyées par une machine froide et absurde. Et les directeurs se protègent les uns les autres.
Nous avons honte de cette administration. Il faut que ces pratiques cessent. Le cadre idéologique qui les autorise se fissure. Qu’il se brise enfin !
Retrouvez la déclaration préalable du SNPJS-CGT ici